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Un regard critique sur la Géopolitique & la Géostratégie internationales à l'ère du Multilatéralisme : quelle place pour une Afrique épuisée par l'esclave, la traite négrière, le colonialisme, le néocolonialisme et la détérioration des termes de l'échange ? La réponse rapide est qu'il faut doter de l'Afrique d'une trilogie diplomatique : le Soft-Power, le Hard-Power et le Smart-Power.

Paradigme de la géopolitique et de la géostratégie internationales

La quête sempiternelle de la supériorité militaire de dis-contraint a toujours caractérisé les jeux et les enjeux des relations internationales

Mohamed Lamine KABA, Sociologue et analyste des questions de Gouvernance et Intégration Régionale

   La problématique de l’utilisation de l'arme nucléaire comme une force de dissuasion est une problématique à dimension planétaire qui a besoin d'une réponse planétaire bien coordonnée. Pour ce faire, la force du discours est limitative. Il faut de l'action concrète allant dans le sens du désarmement des Etats et l'arrêt systématique de la production des armes à destruction massive et celles de longues portées.

Cependant, le renforcement de la diplomatie bi et multilatérale ainsi que le respect strict de l'humilité diplomatique tel qu’édicté dans la convention de Vienne du 18 avril 1961[1] dans la résolution pacifique des différends est la meilleure option pour bâtir un monde pacifique et réconcilié en ses Etats. Mais la question de l’utilisation d’armes nucléaires se pose-t-elle aux Etats ou à d’autres institutions et structures privées ou alors aux initiatives individuelles ?

Poser une telle question, c’est aborder, en toile de fond, la problématique de l’arme nucléaire. C’est également accorder une extension au concept de ‘’arme nucléaire’’ en l’élargissant à toute intervention militaire, permettant à un Etat les possibilités de se défendre et défendre ses intérêts dans une logique de dissuasion : supériorité militaire de dis-contraint.

Dans le cadre de cet article, nous tenterons dans un premier temps d’aborder les aspects politiques de l’application/utilisation des armes nucléaires dans les rapports internationaux (I), dans un second temps, nous ferons un descriptif des aspects économiques de l’utilisation de ces armes (II), dans un troisième temps, nous dégagerons un aperçu sur les aspects sociaux de l’application desdites armes dans les relations internationales (III)[2] et, dans un quatrième temps nous évoquerons les menaces à la paix et à la sécurité en Afrique qui pourraient à long-terme entrainer le continent noir dans une logique ouverte à la course aux armements (IV).

La course aux armements dans les rapports mondiaux a toujours été l’une des caractéristiques de la scène internationale. Chose qui n’est pas sans effets sur la communauté internationale et ces effets sont d’ordre politique, économique et social.

I. Les aspects politiques de l’application des armes nucléaires dans les rapports internationaux

Au plan politique, l’usage des armes nucléaires pourrait réduire au néant les avancées réalisées dans le cadre de la pacification des relations internationales. Le monde deviendrait alors de plus en plus violent et la guerre de tous contre tous telle que théorisée par Thomas Hobbes dans le ‘’Léviathan’’) finirait par déchirer le monde (Hobbes, 1951). Nous (humanité) assisterons ainsi à la remise en cause des acquis tels que :

  1. Le renforcement des institutions diplomatiques comme mécanismes d’alliance multilatérale pour la sécurité commune ;
  2. L’arbitrage comme mécanisme de résolution des différends et de pacification du monde ;
  3. La ratification comme expression de l’engagement des Etats dans une cause commune ;
  4. La généralisation de la lettre de créance comme humilité diplomatique ;
  5. L’intensification de la diplomatie multilatérale avec l’organisation des conférences internationales comme mécanisme de réglementation des différends et conflits ;
  6. La chancellerie capable de gérer les relations diplomatiques de manière continue et la solidification de la diplomatie ;
  7. La théorisation du droit des Etats comme alternance de la guerre ;
  8. La substitution du Général de corps par l’Ambassadeur dans la négociation ;
  9. L’adoption et respect des raisons d’Etat tel que théorisé par le Cardinal Richelieu (Richelieu, 1816) ;
  10. La codification des relations diplomatiques internationales à travers la convention de 1975 (Unies, 1975).

Bref, l’utilisation des armes nucléaires porteraient un coup dure à ces acquis et conduirait inévitablement l’humanité à la catastrophe multidimensionnelle.

II. Le descriptif des aspects économiques de l’utilisation d’armes nucléaires

Au plan économique, l’application des armes nucléaires dans les rapports internationaux porterait forcement préjudice au circuit économique mondial (Unies C. é., 1947-1948) établi à travers les institutions internationales, notamment le Système des Nations Unies. Les relations économiques contrôlées et régulées par l’Organisation Internationale du Commerce seront vouées à l’échec plongeant ainsi l’humanité dans une logique de démondialisation dont les signes précurseurs ont été donnés par la pandémie à coronavirus qui ne cesse encore de sévir depuis presque quatre ans. D’une manière ou d’une autre, l’utilisation des armes nucléaires porterait préjudice aux substrats économiques qui sont : la production, la répartition et consommation.

III. Aperçu sur les aspects sociaux de l’application des armes nucléaires dans les relations internationales

Au plan social, à la suite de l’utilisation des armes nucléaires, on assisterait à la remise en cause de la nécessité de réinvention de la citoyenneté mondiale. Les efforts jusque-là consentis dans la cadre de la pacification du monde se verraient vouées à l’échec avec comme conséquences directes la rupture brusque des relations internationales et le bouleversement des substratum sociaux. L’utilisation de la bombe atomique sur Nagasaki et Hiroshima au Japon en 1945 et ses conséquences politiques, économiques et sociales constituent une leçon douloureuse qu’on pourrait tirer de l’usage des armes nucléaires. Pour mieux comprendre les conséquences que pourrait avoir l’utilisation des armes nucléaires sur l’humanité, le livre intitulé ‘’ Terres de sang : L’Europe entre Hitler et Staline’’ de Timothy Snyder est illustratif : « Voici l'histoire d'un meurtre politique de masse". C'est par ses mots que Timothy Snyder entame le récit de la catastrophe au cours de laquelle, entre 1933 et 1945, 14 millions de civils, principalement des femmes, des enfants et des vieillards, ont été tués par l'Allemagne nazie et l'Union soviétique stalinienne. Tous l'ont été dans un même territoire, que l'auteur appelle les "terres de sang" et qui s'étend de la Pologne centrale à la Russie occidentale en passant par l'Ukraine, la Biélorussie et les pays Baltes.
Plus de la moitié d'entre eux sont morts de faim. Deux des plus grands massacres de l'histoire - les famines préméditées par Staline, principalement en Ukraine, au début des années 1930, qui ont fait plus de 4 millions de morts, et l'affamement par Hitler de quelque 3 millions et demi de prisonniers de guerre soviétiques, au début des années 1940 - ont été perpétrés ainsi. Tous deux ont précédé l'Holocauste et, selon Timothy Snyder, aident à le comprendre.
Les victimes des deux régimes ont laissé de nombreuses traces. Tombées après la guerre de l'autre côté du rideau de fer, elles sont restées dans l'oubli pendant plus de soixante ans et ne sont revenues au jour qu'à la faveur de la chute du communisme. Timothy Snyder en offre pour la première fois une synthèse si puissante qu'un nouveau chapitre de l'histoire de l'Europe paraît s'ouvrir avec lui.

Ce faisant, il redonne humanité et dignité à ces millions de morts privés de sépultures et comme effacés du souvenir des vivants.


Par sa démarche novatrice, centrée sur le territoire, son approche globale, la masse de langues mobilisées, de sources dépouillées, l'idée même que les morts ne s'additionnent pas, Timothy Snyder offre ici un grand livre d'histoire en même temps qu'une méditation sur l'écriture de l'histoire ». (Snyder, 2012)

IV. Les menaces à la paix et à la sécurité en Afrique pouvant à long-terme entrainer le continent noir dans une logique ouverte à la course aux armements

La conscience subjective d’être africain continue de traverser l’esprit de tous les fils et de toutes les filles d’Afrique, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, en passant par le Centre sans pourtant autant oublier la Diaspora africaine rayonnante à travers le monde. Cela dit, assumer la conscience subjective d’être africain supposerait de prendre toutes les dispositions nécessaires pour répondre aux nombreuses menaces qui se posent à l’aune de la paix et de la sécurité en l’Afrique. En effet, les dispositifs et approches de lutte contre ces menaces en Afrique sont multiples et divers et restent subordonnés à la création d’une force militaire de dissuasion. Lesquelles menaces portent depuis belle lurette préjudice aux appareils gouvernementaux et font d’eux médiocres, limitant ainsi leur capacité à répondre efficacement aux aspirations réelles de leurs peuples respectifs en matière de paix et sécurité. Ces menaces, il faut le dire sans risque de tomber dans le piège de la généralisation, sont d’ordre politique, économique, social, militaire, géopolitique et géostratégique. Alors, dans un tel contexte mondial de cruauté où les relations ont tendance à devenir de plus en plus impersonnelles, utilitaires et instrumentales comme indique (Weber, 1917 et 1919) dans l’individualisme méthodologique, les africains resteront-ils bras croisés sans rien faire et demeurer dans l’inaction d’un passager clandestin (Olson, 1965). La réponse à cette question est naturellement non. Lequel contexte d’ailleurs n’a de cesse de faire peser sur les appareils gouvernementaux africains, de multiples menaces dont sans être exhaustif, je citerais :

  1. Afrique et les menaces des puissances étrangères qui nécessite une adaptation des dispositifs de paix et de sécurité, et même militaire et stratégique ;
  2. Afrique et la piraterie maritime qui nécessite également une adaptation des dispositifs et approches d’intervention ;
  3. Afrique et le terrorisme : la multiplication des foyers de tensions sur le continent à travers l’extrémisme violent et le crime organisé transnational qui nécessite de façon urgente une adaptation des dispositifs et approches d’intervention ;
  4. Afrique et les changements climatiques qui nécessite une innovation en termes de réforme structurelle et institutionnelle ;
  5. Afrique et la problématique de l’emploi des jeunes qui nécessite une réforme en matière de politique publique d’insertion socioprofessionnelle de la couche juvénile. Il faudra ici, penser globalement et agir localement.

Conclusion

Le recours aux armes nucléaires comme force de dissuasion dans les situations de conflits est à déconseiller et doit être hors de question pour la paix et stabilité du monde. C’est une question vitale de vie et de survie des espèces humaines, animales et végétales. Le renforcement de la diplomatie comme alternatif de la guerre est la meilleure voie indiquée pour bâtir un monde pacifique et réconcilié en ses Etats.

Cependant, l’industrie de l’armement doit être soumise au strict respect de la convention de désarment pour assurer la pacification des relations internationales. Pour y parvenir, nous recommandons fortement une réforme structurelle et institutionnelle de l’Organisation des Nations Unies afin de résoudre efficacement les questions de frustrations, de discriminations et de sentiment de domination qui pourraient conduire les acteurs de la géopolitique mondiale à l’utilisation des armes nucléaires. La preuve irréfutable en est que l’inquiétude de l’usage de ces armes par la Russie en Ukraine est si grande que l’humanité toute entière perd le souffle et le sommeil.

Quel monde l’application des armes nucléaires laissera à l’humanité confinée dans ses relations écologiques et écosystémiques ?

 

Bibliographie

Weber, M. (1917 et 1919). Le Savant et Le Politique. Munich: La Découverte/Poche.

Olson, M. (1965). Le Passager clandestin ou La logique de l'action collective. Cambridge: Harvard Economic Studies, La Tribune.

Hobbes, T. (1951). Le Léviathan. Londres: Editions Flammarion.

Richelieu, C. (1816). L'Histoire en citations.

Unies, N. (1975). Convention de Vienne sur la représentation des États dans leurs relations avec les organisations internationales de caractère universel. La Convention de Vienne du 14 mars 1975 (p. 39). Vienne: Nations Unies.

Unies, C. é. (1947-1948). Organisation internationale du commerce. Conférence internationale sur le commerce et l'emploi. La Havane: Nations Unies.

Snyder, T. (2012). Terres de sang : L’Europe entre Hitler et Staline. Paris: Gallimard.

 

[1] Convention internationale sur les relations, privilèges et humilité diplomatiques, avril 1961 en Autriche.

[2] Usage de la force dans le jeu des relations internationales.

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